L’Azuré du Serpolet sur la RNR

Parmi les nombreux insectes recensés dans la RNR Confluence Garonne-Ariège, l’un d’eux présente un fort enjeu de conservation : l’Azuré du Serpolet (Phengaris arion). Les inventaires initiaux sur les papillons ont mis en évidence sa présence sur les communes de Toulouse, de Goyrans, de Clermont-le-Fort et de Portet-sur-Garonne. Le suivi semi-quantitatif de cette espèce a donc été défini dans le plan de gestion sous l’action « inventaire et suivi des habitats et espèces à enjeux et indicatrices des milieux ». Avec des prospections biennales, l’objectif est d’évaluer les tendances de ce papillon au sein de la Réserve naturelle et également de nous renseigner sur l’état de santé des pelouses sèches qu’il utilise.

Qui est l’Azuré du Serpolet ?

Ce papillon de jour fait partie de la sous-famille des Polyommatinae, appelée vulgairement « petit bleu ». Comme chez les autres espèces du genre Phengaris (anciennement Maculinea) sa grande originalité provient de sa relation étroite avec les fourmis. Il ne s’agit pas d’une symbiose mais bien de parasitisme. La chenille après avoir mangé des fleurs d’origans (plante hôte exclusive ici) pendant quelque temps, se laisse tomber au sol où elle va être recueillie par une fourmi, trompée par son odeur particulière. Une fois dans la fourmilière, la chenille va se nourrir du couvain jusqu’à se transformer en chrysalide. A la fin du printemps, le papillon va émerger et se faufiler discrètement en dehors de la fourmilière. La période de vol, correspondant à la reproduction de l’espèce (stade papillon = adulte = imago), s’étale surtout entre la mi-juin et la fin juillet.

Bien qu’encore commun en ex Midi-Pyrénées, cet azuré a été évalué « quasi-menacée » en Occitanie en 2019 (Liste Rouge des Lépidoptères d’Occitanie, en presse). L’enfrichement chronique des pelouses aujourd’hui en l’absence de pâturage, bien que souvent favorable dans un premier temps (ourlification), est négatif à long terme pour l’espèce. La fragmentation globale des habitats est l’une des menaces principales pour l’ensemble des papillons.

L’Azuré du Serpolet fait partie des 26 espèces de papillons de jour protégées au niveau national.

Quel protocole ?

Etant impossible de dénombrer exhaustivement les papillons de jour sur une grande surface (quantitatif), leur étude se focalise sur une unité simple (temps, espace) dans laquelle les individus observés sont dénombrés (semi-quantitatif). Renouveler ces comptages dans le temps, et sur la même unité, permet d’obtenir une chronique de mesures, appelée aussi un « suivi ». Déterminer et dénombrer tous les papillons que l’on observe sur un cheminement prédéfini (transect), est une méthode classiquement utilisée (protocole STERF). On définit ainsi, pour une espèce donnée, l’évolution de cette densité au fil des ans. Pour certains papillons (notamment les azurés des mouillères et de la croisette), le comptage des œufs pondus sur la plante hôte donne aussi d’excellents résultats.

Mais pour notre azuré, ces deux méthodes ne marchent pas vraiment… Habituellement, les densités de l’espèce sont tellement faibles que la probabilité de contacter des individus sur un cheminement linéaire est quasiment nulle. Donc pas de transects… Le comptage des œufs n’apporte pas beaucoup plus de succès étant donné que les femelles pondent bien à l’intérieur des fleurs en cachant ces derniers. Face à ce constat, il a été décidé d’adapter un autre protocole d’étude des rhopalocères : le chronoventaire (MNHN, 2014). Ce dernier cible l’ensemble de la communauté des papillons de jour et non précisément une espèce. De plus, il vise l’exhaustivité d’un inventaire à un moment donné, à un endroit donné et apporte peu d’informations quantitatives. Il y a donc eu adaptation… Plutôt que de viser « l’épuisement » du nombre d’espèces, c’est « l’épuisement » du nombre d’individus d’Azuré du Serpolet qui a été recherché. Pas de panique ! Concrètement, ça se traduit par la capture de l’ensemble des individus observés sur une station au cours d’une durée maximale de 60 minutes, à la fin duquel tous les papillons ont été relâchés (avec autorisation de capture). Ce temps de prospection est divisé en rang de 5 minutes au cours duquel le nombre d’individus est précisément noté de manière à avoir une évolution des effectifs en relation avec la durée des recherches.

Résultats

5 pelouses ont été visitées en 2018 au cours de deux passages (25 juin et 10 juillet). L’Azuré du Serpolet avait déjà été observé sur ces stations. Malgré des conditions très favorables et une recherche assidue, il n’a pas été recontacté sur le premier site de suivi. Il y a 3 explications possibles : l’espèce y est dorénavant absente, l’espèce est présente en très faible densité et/ou l’espèce y est présente en erratisme (par intermittence). Sur la station de Clermont-le-Fort, seul un individu a été observé (hors protocole). La pelouse sèche, de faible superficie et très fermée, ne paraît plus très favorable pour accueillir une grosse population. En revanche, le maintien de patch joue un rôle crucial dans la connexion des différentes stations occupées par l’espèce.

Sur la 3e station sur la commune de Toulouse, seul un individu a été observé. Des recherches complémentaires seraient à entreprendre sur ce site accolé mais en dehors de la Réserve naturelle.

Enfin, deux stations se sont avérées être bien plus positives sur Portet-sur-Garonne et surtout à Clermont-le-Fort. Le premier site est en rive gauche de la Garonne, en contexte alluvial. 7 individus différents ont été capturés début juillet en 60 minutes de recherche. L’autre pelouse sèche est très vaste et située sur un coteau en rive droite du fleuve, comme la majorité des stations connues de l’azuré. A la même date et sur la même durée, c’est 72 individus qui ont été capturés. Cet effectif est tout à fait remarquable localement ainsi qu’au regard de la bibliographie disponible. Il est très probable que cette zone représente une station source, permettant l’émigration de papillons dans des habitats moins favorables pour l’espèce dans le secteur. Les déplacements des adultes d’Azuré du Serpolet sont en moyenne de 200 à 400 mètres mais une dispersion peut avoir lieu à plusieurs kilomètres (5,7 km est actuellement le maximum connu).