Balades orthoptériques dans la Réserve Naturelle Régionale Confluence Garonne-Ariège

La RNR Confluence Garonne-Ariège a fait l’objet depuis plusieurs années déjà d’études entomologiques. Dans les groupes étudiés, figurent en bonne position les orthoptères : criquets, sauterelles et grillons. Même si des recherches sont encore à mener, notamment sur la présence possible d’espèces patrimoniales soupçonnées ou non revues ou localisées avec certitude, le niveau de connaissance pour ce groupe est déjà assez fin. Et, des cortèges peuvent être reconnus en fonction des types d’habitats naturels. En fin d’été, période de présence des adultes pour un maximum d’espèces, ces cortèges vont parfois vous mettre dans une ambiance sonore qui pourrait presque vous faire deviner « les yeux fermés » dans quel type de milieu vous êtes ! Partons à leur découverte.

Dans toutes les zones semi-boisées, les lisières, se rencontre un cortège typé de peu d’espèces mais quasi constantes. Deux sauterelles vivent perchées dans les buissons, arbres et arbustes : le Phanéroptère méridional Phaneroptera nana (abondant sur les arbustes), le Méconème méridional Meconema meridionale (qui a une préférence nette pour vivre dans les chênes). Si ces deux espèces sont inaudibles, l’ambiance sonore est toutefois assurée en provenance de la couche de litière de feuilles, par le Grillon des bois Nemobius sylvestris (souvent abondant et peut striduler toute l’année, y compris au soleil d’hiver).

Au bord de la Garonne ou de l’Ariège, l’étiage estival met à découvert de vastes surfaces exposées au soleil, galets ou vases suivant les cas. Ces milieux sont originaux pour les orthoptères. Il faut avoir l’œil pour y repérer le minuscule Tétrix méridional Paratettix meridionale, qui saute et vole très bien. Pourtant, dans les endroits favorables, ce sont des centaines d’individus qui peuvent être présents. Les galets sont également fréquentés par un criquet de grande taille, volant lui aussi très bien et sur de longues distances : l’Aïolope automnale Aiolopus strepens, une des rares espèces à survivre jusqu’au printemps suivant. Ce criquet se retrouve aussi dans les friches, lisières et coteaux secs, mais le plus souvent c’est sur les zones alluvionnaires qu’il prospère.

Dans ces zones humides, lorsque des hautes herbes denses se développent (baldingères ou carex par exemple), deux sauterelles peuvent être découvertes : le Conocéphale gracieux Ruspolia nitidula et le Conocéphale bigarré Conocephalus fuscus. Comme leur nom l’indique, ces sauterelles ont une tête étirée vers l’avant, conique. Une fois la nuit tombée en août et septembre, le Conocéphale gracieux émet une stridulation puissante, quasi désagréable voire insupportable lorsqu’on est proche. Il est le cauchemar des chiroptérologues qui se voient brouiller l’écoute de leur détecteur ultra-sons.

Les pelouses sèches, qu’elles soient sur coteaux ou sur les terrasses alluviales sablonneuses, sont des habitats importants pour de nombreuses espèces. La diversité sur un site, et la densité, va dépendre de l’état de la végétation et du niveau d’aridité.
Ainsi, sur les parties sablonneuses écorchées des terrasses alluviales, où souvent ne poussent quasi aucunes plantes, des gros criquets aux ailes colorées s’envolent devant nos pas : ailes rouges pour le Criquet de Barbarie Calliptamus barbarus, bleues avec une bande noire pour l’Oedipode turquoise Oedipoda caerulescens ou bleues azur sans noir pour l’Oedipode aigue-marine Sphingonotus caerulans. Ces criquets silencieux (ces espèces colorées ne stridulent pas) semblent régner en maître sur ces zones.
Dès que la végétation herbacée se densifie, ils disparaissent, seul le criquet de Barbarie se maintenant un peu. Les pelouses sèches fermées sont le royaume du Criquet blafard Euchorthippus elegantulus et du Criquet pansu Pezotettix giornae, qui peuvent être extrêmement abondants, et de quelques sauterelles dont le Dectique à front blanc Decticus albifrons, une très grosse sauterelle qui stridule fort en journées ensoleillées, dès le mois de juin.
D’autres orthoptères sont assez constants et abondants sur les pelouses de la RNR, sans forcément être exclusifs à ces habitats. Citons le Phanéroptère liliacé Tylopsis lilifolia, la Decticelle chagrinée Platycleis albopunctata, le criquet noir-ébène Omocestus rufipes et le criquet migrateur Locusta migratoria cinerascens. Ce grand criquet, qui semblait encore inconnu il y a quelques années sur le territoire de la RNR, a profité des années de plus en plus chaudes pour étendre son aire. En 2016, il a été vu sur cinq sites différents.

Article rédigé par Pierre-Olivier Cochard.