Des îlots et des atterrissements à l’épreuve du temps
Les niveaux d’eau de la rivière Ariège et du fleuve Garonne, toujours au plus bas en ce début d’hiver, laissent encore entrevoir les îlots et les plages de galets. Si la plupart des oiseaux ont délaissé ces atterrissements avec l’arrivée du froid, le débit encore très faible de la rivière est l’occasion pour l’équipe gestionnaire de la Réserve naturelle d’étudier leur évolution et la granulométrie du cours d’eau.
On peut le voir sur les cartes et photos anciennes ; l’Ariège et la Garonne n’avaient pas le même visage avant le début du XXe siècle ! L’Ariège par exemple, rivière dynamique, avait encore un aspect sauvage, avec de multiples chenaux s’entrelaçant, et de larges bancs de galets se mouvant au gré de crues parfois violentes. Conséquence de l’exploitation des granulats de son lit pour la construction de routes et de bâtiments, la roche-mère sur laquelle coule la rivière se retrouve désormais à nu, alors même que l’épaisseur de galets pouvait atteindre jusqu’à 3 mètres. En outre, les barrages situés en amont et les travaux de fixation des berges tout le long de son linéaire limitent la recharge naturelle de l’aval en sédiments.
Quelques galets et sédiments de différentes tailles réussissent cependant à descendre des Pyrénées et le dynamisme de l’Ariège fait émerger son lit lorsque les débits d’étiage signent la fin des fontes neigeuses. L’été, des îlots et des « plages » de galets viennent ponctuer le cours de la rivière et du fleuve, offrant à la biodiversité des niches éphémères d’exception pour leur reproduction et leur alimentation. Petit gravelot, Loutre d’Europe ou encore Canard colvert et Perce-oreille des plages profitent de ces espaces émergés, encore trop souvent fréquentés par le public en été, et ce malgré l’interdiction règlementaire et les panneaux d’information.
Un suivi de ces espaces affleurants est mené régulièrement par l’équipe gestionnaire de la Réserve naturelle, lorsque les niveaux d’eau l’autorisent. Il est caractérisé par le calcul de la surface des îlots par trace GPS, ainsi qu’un calcul de la granulométrie (taille des galets et cailloux). Si le calcul de la surface de l’atterrissement est relativement simple à exécuter et se fait a posteriori suite au tracé GPS par ordinateur, la mesure des agrégats est quant à lui davantage laborieux. En effet, un décamètre est tiré sur le point le plus large de l’îlot ou de la plage et une mesure roche par roche est effectuée tous les 10 cm.
D’une campagne de suivi à l’autre, les résultats obtenus permettent d’effectuer une comparaison des surfaces émergées, de leur morphologie et ainsi apprécier leur évolution dans le temps. Les dizaines de mesures ainsi récoltées permettront de déterminer à l’échelle de la RNR un éventuel « engraissement » des cours d’eau en sédiment ou au contraire, l’érosion continue de leur lit.
La granulométrie quant à elle est une indicatrice de la santé des cours d’eau. Des galets trop imposants ne sont pas favorables à la faune piscicole (poissons) qui préfèrera un substrat plus fin, propice à leur reproduction.
Bien que réalisées à une échelle restreinte, ces données s’inscrivent dans un programme général de suivi de la rivière Ariège et du fleuve Garonne, ainsi que de leur dynamique fluviale, mené par les acteurs locaux du bassin versant.